Les bavardages de Ben...

Les bavardages de Ben...

Ben, de son vrai nom Benjamin Vautier, est un artiste français d'origine suisse, né le 18 juillet 1935. Ben est un artiste majeur de l’avant-garde artistique française à partir des années 1960, connu pour ses performances, installations et peintures. Le mot, la pensée, le slogan et l’écriture sont à la base de son oeuvre.


L’écriture «Ben» est devenue sa marque de fabrique et de reconnaissance. Au sommet de son art, il signe pour Giraudi une série de phrases provocatrices et délicieuses.


Rétrospective à Lyon du roi des petites phrases qui font un tabac chez les écoliers.


La question est cruciale : «Pourquoi vouloir être célèbre ?» Des milliers d'adolescents la portent sur leur dos grâce à Ben. Cet artiste prolifique, à qui le Musée d'art moderne de Lyon consacre une rétrospective, a fait des produits dérivés une de ses marques de fabrique, sous le regard méprisant d'une partie du milieu d'art contemporain, parfois jusqu'à l'écœurement, mais de manière revendiquée. Ben, qui signe des objets ou des toiles avec une écriture blanche cursive, dit vouloir « communiquer ». « Les phrases ne sont jamais des commandes, elles sont de moi, explique-t-il. Lorsque l'on me demande de prêter mon graphisme pour un slogan publicitaire, je refuse. »


Un contrat passé il y a seize ans avec la société de fournitures scolaires Quo Vadis assure depuis une large diffusion de trousses, de pots à crayons, d'agendas ou de classeurs estampillés Ben. Les « vrais » chiffres de vente sont tenus secrets. On sait seulement qu'une phrase de Ben coûte 3 000 euros, et qu'il est prié d'en présenter une soixantaine par an. « L'affaire est dans le sac », indique finement Ben sur des sacs à dos noirs.


Au détour de magasins de bibelots bon marché, on découvre parfois une contrefaçon. Ben réserve ses procès aux faux tableaux signés. Pour le reste, il se contente de s'offusquer lorsque la phrase lui déplaît. « Quelqu'un, un jour a écrit sur un objet : “La vie est belle.” Trop simple pour être de moi », raconte celui qui veut être « novateur et populaire, choquer et être accepté ».

Avant d'être « dans la communication », Ben était dans l'expérimentation et la création, si l'on peut opposer tous ces univers. La rétrospective lyonnaise, qui s'étale sur trois étages, le rappelle : avant Ben, il y avait un autre Ben, né Benjamin Vautier. On le voit, au début des années 1960, assis sous la neige au milieu d'une rue, tenant un panneau : « Ne regardez pas ! » Il se balade dans Nice, sa ville, muni d'un sceau de peinture et laisse des traces de blanc là où ses pas le portent. Les films, en noir et blanc, renvoient à une époque révolue, celle où les hommes sortaient avec gants et chapeaux. À l'époque, Ben décline les mots « dormir », « cracher » ou même « uriner » et « vomir », photos et commentaires à l'appui.




Boulimie de signes


Au début des années 1960, il fait partie du groupe Fluxus, avec George Maciunas ou John Cage. Il participe à des happenings artistiques revigorants, prône les sculptures vivantes, les dazibaos, les performances de rue. Avec son ami Yves Klein, il cherche à s'approprier les choses, à « signer de ce que les autres n'avaient pas signé ». Son terrain de jeu est vaste. « Si Dieu est partout, alors il est aussi dans cette boîte à chapeau », calcule-t-il sur un carton rond et noir.


Prolifique - il a aujourd'hui 75 ans -, Ben tente des coups, joue des modes, prétend d'abord que « tout est art », puis se ravise : « L'art n'existe pas, tout est ego. » L'ego, terme plus amusant que le narcissisme, est érigé en système, avec Ben comme grand organisateur. Au fil du temps, il a tant accumulé de matériaux qu'il finit par les agréger dans le Bizart baz'art. Métaphore de boutique, cette énorme installation composite s'impose aux visiteurs de l'exposition. Elle est l'incarnation de cette boulimie de signes et de messages. « Ben, c'est un peu l'homme du trop », admet Thierry Raspail, commissaire de l'exposition.